Les Autochromes – Et la couleur fût

Chez les Lumière s’il est bien une invention de famille considérée comme une révolution universelle, c’est l’autochrome. Alors que le cinéma n’apparaît que comme une sorte de tour de magicien sans grand lendemain, la photo couleur bouleverse immédiatement le monde de l’image. Et les premiers à tirer ombrage de l’invention, sont les peintres qui voient d’un mauvais œil cette remise en cause de leur monopole sur la palette des teintes. Le succès de l’autochrome est immédiat, époustouflant, universel. A tel point que s’ouvrent une usine de fabrication aux Etats-Unis, une autre en Ukraine. Des millions de plaques sont vendues et les professionnels de l’édition se laissent à leur tour séduire. En 1909, le financier-philosophe, Albert Khan, émet l’idée qu’il est urgent de photographier chaque recoin de la terre avec ce procédé. Au total, soixante douze mille clichés seront pris, qui constituent aujourd’hui des archives uniques… L’Illustration, le Miroir de la guerre, les livres d’histoire, nous avaient donné à voir la guerre en noir et blanc. Finalement, on s’y était habitués, persuadés que l’horreur était sans couleur. Ce n’est pas vrai, la mort donnée est synonyme de vie volée. Et la vie, juste avant d’être volée, peut être si haute en couleur. La preuve ?

Les autochromes pris sur le vif -parfois sur le cadavre- par Jean Baptiste Tournassoud, que l’on a parfois surnommé le troisième frère Lumière. En 1914, cet ancien directeur du Renseignement sous Clémenceau est affecté à la direction du service photo des Armées. Son travail, aussi acharné qu’insensé par le risque pris – on ne manipulait pas les plaques avec la même aisance que les appareils numériques-, bouleverse notre vision de la Grande Guerre. Il donne de la matière au charnier, du ventre à la peur, de l’humanité à la chair meurtrie. La tendance pastel de l’autochrome n’adoucit en rien la violence des situations. Au contraire, elles n’en sont que plus insupportables, parce que plus proches de nous. On est loin des petites filles de La Ciotat dont le teint pastel aurait fait rougir de jalousie David Hamilton. Continuité, c’est le mot qui convient. Le scanner permet de retranscrire fidèlement les premiers autochromes et donc d’en envisager une diffusion grand public. Pour les photographes, les peintres, les fans des nouvelles technologies, les autochromes pourraient représenter une sorte de nuancier de référence, une espèce de métronome de la couleur. Il suffit de prendre le temps de plonger dans leur univers pour s’en convaincre.

AUTEUR-REALISATEUR : PATRICK NASLES
IMAGE : JEAN-PIERRE GRISONNET
SON : MICHEL LACAILLE DESSE
MONTAGE : ALAIN ROBICHE
MIXAGE : DIDIER RAY
PRODUCTION : EVELYNE JULY – JEAN MICHEL RODRIGO
COPRODUCTION : MECANOS PRODUCTIONS, FRANCE 3
AVEC LE SOUTIEN DU CNC
EN ASSOCIATION AVEC : LE MUSEE ALBERT KAHN, L’INSTITUT LUMIERE, L’ILLUSTRATION, LE CNRS ET LA FAMILLE LUMIERE