Guido Magnone, « le baladeur »

Guido Magnone est né en 1917 dans un village du nord de l’Italie. Un détail de la vie qui ne mériterait pas d’être souligné s’il n’avait eu plus tard  une influence majeure. Les parents migrent à Paris, travaillent jour et nuit pour des patrons peu scrupuleux, puis s’installent à leur compte. Ils n’ont pas le temps de s’occuper de leurs fils qu’ils confient aux soins des bons pères. Guido vit mal l’éloignement familial, mais surtout le rejet des mômes de son âge. Dans la cour de récréation, c’est le rital, le souffre-douleur. Il apprend à se défendre. Ca refroidit les méchants, mais n’attire pas pour autant les gentils. Guido est un enfant seul, et il en souffre.

Un beau jour, il se promène le long du canal de l’Ourq et assiste à l’entraînement du club de natation des Libellules. La plupart sont des enfants de russes blancs, des migrants comme lui. Il se lie d’amitié, apprend à nager. Vite, très vite. Adolescent frêle et timide il gagne sa première médaille, grimpe sur le podium. Sa vie bascule. À partir de ce jour-là, tout s’enchaîne à une vitesse vertigineuse. Il devient champion de natation, national, international, passe au water-polo, connaît le même succès… Fait le tour de l’Europe, collectionne les médailles, les records, les articles de presse.  Guido prend du coffre, du muscle, de la carrure…

Entre deux compétitions, il dessine à la main des boîtes en carton pour la petite entreprise de ses parents. Une amie artiste peintre aime son coup de pinceau et le pousse à se présenter aux Beaux Arts. Il passe un concours externe, le remporte, se prend d’amitié pour les sculpteurs César et Féraud, des surréalistes, une poignée de bohèmes. Guido est sur un tapis volant… C’est lui qui le dit avec le recul des ans.

Il est bientôt minuit dans le siècle et les affiches allemandes, placardées sur les murs du village de Bagnolet, dressent la liste des fusillés. Des juifs, des communistes, des immigrés. La famille Magnone, qui a fui l’Italie de Mussolini, survit à la folie. Guido n’entre pas en résistance. Il subit, tombe assez sérieusement malade, rate le tourbillon de la Libération. Une connaissance l’entraîne à Chamonix pour se « refaire les poumons ». Il fait l’ascension du Mont-Blanc et c’est le coup de foudre pour l’esthétique des sommets.

Guido rentre à Paris, se lie d’amitiés avec Robert Paragot et la bande des grimpeurs de Fontainebleau – Blo pour les intimes. Une école d’excellence qui lui permet de perfectionner sa technique d’escalade en s’attaquant à des rochers lisses comme des savonnettes. Pour l’éprouver, il repart dans la vallée de Chamonix et s’attaque à la face Ouest des Drus, cette paroi triangulaire et abrupte de plus de mille mètres qui surplombe la mer de glace. Imprenable dit-on d’elle depuis cent ans. Guido s’y reprend à deux fois, se colle littéralement à la roche, profite de la moindre faille, du plus petit relief de granit pour se hisser, mètre après mètres. Au point, où les autres ont abandonné, il bivouaque dans un hamac suspendu au milieu du vide, reprend des forces, finit par atteindre le sommet.

Dans la vallée de Chamonix, la victoire sur les Drus résonne comme un coups de tonnerre. Plus rien ne sera jamais comme avant. Les experts affirment même aujourd’hui que l’ascension marque le début de l’alpinisme moderne. Nous sommes en 1952… Guido le parisien, qui a utilisé cordes et mousquetons pour « rendre possible l’impossible », entre dans la légende.

A lire : l’article de Jean-Michel Rodrigo sur Médiapart

AUTEUR : JEAN-MICHEL RODRIGO
REALISATEURS : JEAN-MICHEL RODRIGO- MARINA PAUGAM
IMAGE : MARINA PAUGAM
SON : PHILIPPE DROUOT
MONTAGE : MARINA PAUGAM
MUSIQUE ORIGINALE : EMMANUEL JESSUA
PRODUCTION : EVELYNE JULY, JEAN MICHEL RODRIGO
COPRODUCTION : MECANOS PRODUCTIONS, FRANCE 3
AVEC LE SOUTIEN DU CNC
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